TVA sur marge en matière immobilière – Décision de la CJUE

Amené à trancher un litige opposant l’administration fiscale et un promoteur au sujet de la TVA sur marge en matière immobilière en 2020, le Conseil d’État s’était tourné vers la Cour de Justice de l’Union européenne.

Celle-ci vient de donner sa décision en date du 30 septembre 2021 :

  • le régime de la marge ne peut pas s’appliquer à la cession de terrains acquis non bâtis revendus comme terrains à bâtir,
  • la division en lots ou la viabilisation de terrains à bâtir avant leur revente, ne font pas obstacle à l’application du régime de la TVA sur marge.


Le régime général de la TVA sur marge

Le régime de la TVA sur marge est un régime de TVA optionnel qui permet au professionnel qui n’a pas pu déduire de TVA lors de son achat, de ne collecter cette dernière que sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. Ce régime s’applique notamment aux biens d’occasion.


Le régime de la TVA sur marge en matière immobilière

En matière immobilière, c’est l’article 268 du CGI qui le définit en droit français en transposition de l’article 392 de la directive TVA. L’objectif poursuivi par le législateur avec le régime de la marge est d’éviter que la réintroduction d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble dans le circuit commercial ne se traduise par l’application de la TVA à un bien qui a déjà supporté la TVA à titre définitif. Ainsi, la taxation s’opère sur la marge pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de son acquisition.


Ce que dit la CJUE du régime de la TVA sur marge en matière immobilière

La Cour était interrogée sur deux aspects du régime de la marge :

  • D’une part la portée de la condition relative au régime d’acquisition du terrain,
  • Et, d’autre part, la question de savoir si la réalisation d’aménagements tels que ceux effectués par la société de promotion devait écarter l’application du régime de la marge à sa revente ultérieure.

Concernant les conditions d’acquisition du terrain

La CJUE juge que le régime de la marge est applicable à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien :

  • Lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe,
  • Ou lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Ainsi, la revente ne peut être soumise au régime de la marge que si l’acquisition par le vendeur :

  • Soit a été soumise à la TVA sans qu’il ait pu la déduire,
  • Soit n’a pas été soumise à la TVA (parce que hors du champ d’application de la taxe, comme dans l’hypothèse où le bien a été vendu par un particulier dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé, soit parce qu’elle est exonérée) mais se trouve grevée d’une TVA devenue précédemment définitive.

Par conséquent, ce régime n’est pas applicable en cas d’acquisition d’un terrain à bâtir lorsque le vendeur initial est un particulier qui se borne à gérer son patrimoine privé.


Concernant la condition tenant à l’identité entre le bien revenu et celui qui avait été acquis

La Cour juge que la simple réalisation d’aménagements, comme une division parcellaire ou des travaux de viabilisation, n’est pas de nature à empêcher l’application du régime de TVA sur marge.

En revanche un changement de nature fiscale du bien, entre son acquisition et sa revente, lorsqu’un terrain devient à bâtir après son acquisition par exemple, ne permet pas de bénéficier du régime de TVA à la marge.


Rappel : définition d’un terrain à bâtir

Un terrain à bâtir est un terrain dont les capacités juridiques et physiques lui permettent de recevoir immédiatement une construction. Il doit avoir été l’objet de travaux de viabilisation :

  • Il doit être desservi par une voie d’accès publique (ou privée, si celle-ci est reliée à la voie publique),
  • Il doit bénéficier d’un accès à l’eau potable, soit par raccordement au réseau de la commune, soit par des moyens privés de type puits, à condition que la potabilité de l’eau et sa protection contre les risques de pollution soient assurées,
  • Il doit être raccordé aux réseaux électriques et téléphoniques,
  • Si les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent, il doit être relié au réseau d’assainissement public (tout-à-l’égout).
  • Le raccordement au réseau de gaz de ville est optionnel.

Un terrain à bâtir est obligatoirement nu (hormis les bâtiments impropres à un usage quelconque, comme les ruines) alors qu’un terrain constructible peut déjà comporter une ou plusieurs constructions.

Un terrain constructible n’est pas nécessairement viabilisé, contrairement à un terrain à bâtir.


Rappel : définition de la division parcellaire

Une division de parcelle consiste à séparer une parcelle en plusieurs lots.

Les étapes à suivre pour effectuer une division parcellaire sont les suivantes :


• Déposer une demande de Certificat d’Urbanisme Opérationnel

Ce certificat permet de connaître le droit de l’urbanisme applicable à un terrain, les limitations administratives au droit de propriété ainsi que les taxes et participations d’urbanisme. Il indique si le terrain peut être réalisé pour la création d’un projet précis, ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus.


Déposer une Déclaration Préalable valant lotissement

Elle permet de déclarer en mairie la création d’un nouveau terrain à bâtir à la suite d’une opération de lotissement, c’est-à-dire d’une division parcellaire.

La déclaration préalable valant lotissement peut être remplacée par un permis d’aménager. C’est un acte administratif qui autorise les travaux, les installations et les aménagements affectant l’utilisation du sol d’un terrain donné.


Effectuer la division

Le bornage du terrain doit être effectué par un géomètre expert qui est le seul professionnel habilité à définir le bornage légal du parcellaire. Il posera les bornes qui délimiteront la nouvelle propriété et réalisera un plan précis de la parcelle à vendre. Il se chargera également de faire identifier par le cadastre les parcelles ainsi créées.

Le notaire rédige et délivre l’acte notarié des divisions et calcule les frais associés à la division.


Quelques exemples de mise en œuvre

Un marchand de bien, assujetti à la TVA a acheté un immeuble et un terrain suffisamment grand qu’il a divisé.

  • Si l’achat a été effectué auprès d’un autre assujetti. Il a déduit la TVA ayant grevé son achat, les ventes de l’immeuble et du terrain devront supporter la TVA sur le prix global.
  • Si l’achat a été effectué auprès d’un non assujetti, il n’a pas pu déduire la TVA ayant grevé son achat, et les travaux effectués répondent bien à la définition d’une division parcellaire ou des travaux de viabilisation, le marchand de bien pourra opter pour le régime de TVA sur marge.
  • Si l’achat a été effectué auprès d’un non assujetti, il n’a pas pu déduire la TVA ayant grevé son achat, et les travaux effectués entraînent le changement de nature fiscale, alors la vente du terrain devra supporter la TVA sur le prix global de la vente. Il en est ainsi du terrain non constructible lors de son achat mais qui le devient après un changement de PLU.