A ce jour, pour la majeure partie de nos clients perçoit les évolutions règlementaires relatives aux obligations de publication d’informations ESG (Environnementales, Sociales, et Gouvernance) comme une contrainte venant alourdir le coût de production de leur information comptable et financière. Trop peu mesurent le changement de paradigme que cela constitue.
En tant que professionnels du chiffre et de la donnée, nous avons un rôle essentiel à jouer. A nous, d’éveiller la conscience de nos clients, de les aider à anticiper ces problématiques, et à les transformer en opportunités.
Par Steve Metoudi, expert-comptable, commissaire aux comptes
En dehors de toute considération morale, nous constatons que la finance joue aujourd’hui un rôle central dans la transition des économies occidentales vers un modèle plus durable. Elle apporte des ressources financières et des mécanismes pour soutenir cette tendance.
Certains investisseurs vont au-delà et cherchent à influencer de manière significative les politiques et les pratiques environnementales des entreprises. Ils généralisent l’intégration des critères ESG dans leurs décisions d’investissement, et les plus activistes n’hésitent plus à bousculer l’ordre du jour des assemblées générales.
En France, les politiques publiques et la fiscalité tendent également à se verdir. Dernier écueil en date, le projet de loi « Industrie Verte » présenté le 16 mai 2023. Il s’articule autour de 15 mesures visant, entre autres, à favoriser le financement des technologies vertes et la décarbonation des industries existantes.
Il y est prévu plusieurs incitations à destination des entreprises françaises, dont :
- La création d’un crédit d’impôt « investissement industries vertes » (C3IV) qui financera les investissements de secteurs très ciblés (production de batteries de nouvelles générations et composants clés de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes, et de pompes à chaleur).
- Un éventail d’aides et de subventions pour couvrir tous les besoins de décarbonation de l’ensemble du tissu industriel.
Toutefois, la promotion des entreprises vertueuses, la facilitation de leur financement, et l’allègement de leur fiscalité ne peut se faire que sur la base d’une information fiable et normée.
Les législateurs en ont parfaitement conscience. Pour la profession comptable, les évolutions règlementaires visant à promouvoir la transparence et la comparabilité des informations relatives aux critères ESG sont le fait majeur de l’après COVID.
Ainsi, en 2021, la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a été adoptée par le biais du paquet législatif européen sur la durabilité. Elle pose le cadre d’un reporting approfondi sur l’intégration des critères ESG par les entreprises. Ce reporting extra-financier doit permettre aux parties prenantes (investisseurs, actionnaires, consommateurs et autorités réglementaires) d’évaluer l’impact de chaque entreprise sur l’environnement et la société.
Cette obligation sera au moins aussi importante que l’introduction des normes IFRS en 2005. Le législateur a volontairement choisi des seuils d’application bas (deux des trois critères suivants : total bilan supérieur à 20 millions d’euros, chiffre d’affaires supérieurs à 40 millions d’euros, et effectif total supérieur à 250 salariés) pour que très rapidement plus de 50 000 entreprises européennes soient concernées. On peut penser que par capillarité, ces obligations s’entendent rapidement aux TPE-PME.
Cette volonté de normaliser les informations environnementales est également reprise dans le projet de loi « Industrie Verte ». Dans sa communication, le gouvernement insiste sur les difficultés à identifier les bons élèves face à la profusion de référentiels environnementaux et propose d’introduire un standard européen, simple, et lisible (standard Triple E : Excellence Environnementale Européenne). L’objectif reste le même : établir une classification verte et procurer un avantage compétitif aux entreprises vertueuse.
Une fois que tout le tissu économique aura adopté ces standards, plus rien ne s’opposera à l’introduction d’une fiscalité ESG. Au-delà de nos convictions individuelles, ce sera tous nos business models qu’il faudra alors adapter.
Face à cette nouvelle donne, nous, experts-comptables et commissaires aux comptes, sommes les plus légitimes pour accompagner nos clients. La collecte d’information, la production d’états normés, et leur restitution de manière intelligible fait partie de notre ADN. Nous sommes en train d’élargir le champ de la comptabilité traditionnelle en partie double, vers une comptabilité en partie triple : débit, crédit, impact carbone.
Partenaire de confiance, notre proximité avec les chefs d’entreprises, nous donne toute la légitimité pour les guider dans leurs choix stratégiques, et en mesurer les résultats. Au tableau de bord financier, nous ajouterons les indicateurs extra-financiers.
Et peut-être qu’à la question « Comment puis-je faire pour payer moins d’impôts ? », nous répondrons « Soyez vert-ueux ! ».